"Des auteurs relevant plus ou moins nettement du courant de recherche inspiré par "l'individualisme méthodologique" ont vigoureusement critiqué les explications de la mobilisation privilégiant la conscience qu'auraient les individus de leurs intérêts communs, leur sens des avantages attachés à une action collective, et la détermination supposée de leurs comportements par leur appartenance à un groupe mobilisable.
L'ouvrage</A> de référence de ces auteurs est le livre de Mancur Olson, Logique de l'action collective qui tend à démontrer que l'existence hypothétique ou objective) et la conscience d'un intérêt commun à un grand nombre d'individus ne sauraient expliquer les mobilisations ni, plus généralement, la participation active à des formes organisées d'action collective.
L'individu est ici conçu comme agissant en vertu d'un calcul rationnel des coûts et des avantages de ses actes, ce qui ne veut pas nécessairement dire qu'il évalue consciemment le poids des uns et des autres, mais simplement qu'il se comporte en pratique de manière rationnelle en s'efforçant de limiter les coûts et d'obtenir le plus de biens possibles. Or quantité d'avantages désirés profitent également à d'autres membres d'une société: une augmentation de salaire sera, par exemple, octroyée indifféremment à tous les salariés de même catégorie dans une entreprise, au terme d'une grève "réussie". L'obtention de cet avantage n'implique pas que l'individu s'engage personnellement dans l'action collective; tout au contraire, il peut espérer que l'action des autres lui permettra d'avoir satisfaction sans qu'il ait eu à "payer de sa personne", sans qu'il ait eu à supporter les coûts parfois très élevés de la participation (perte de salaire, sanctions éventuelles, atteinte portée à sa réputation d'ouvrier docile, etc.). Tout individu intéressé et rationnel est de ce fait porté à adopter la stratégie du "ticket</A> gratuit" (free rider) et la mobilisation est donc à la limite improbable."
Jacques Lagrotte, Sociologie Politique, Dalloz, 1991